mercredi 10 décembre 2014

L’importance des cercles scientifiques à la lumière de La Formation de l’esprit scientifique de Gaston Bachelard. ( Publié à l'occasion de la semaine culturelle du Permanent au Cercle Philo-Psycho-Socio-Anthropologie 2013-2014) à L'Université de Yaoundé 1.




THÈME DE L’ARTICLE :
L’importance des cercles scientifiques à la lumière de La Formation de l’esprit scientifique de Gaston Bachelard.
ÉPIGRAPHE :
         « Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est spirituellement rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé »[1].
            La fréquentation permanente des cercles dits scientifiques revêt des avantages énormes et pluridimensionnels pour les élèves débutants et les étudiants-chercheurs conscients. Nous entendons ici par cercle vraiment scientifique, une entreprise qui place à l’horizon de ses activités la promotion de la science. C’est en fait une industrie qui a pour projet la formation de l’esprit scientifique et pour slogan : un peu de science pour tous. À partir de ce domaine de définition, nous pouvons dire que ces cercles occupent une place prépondérante, sinon indispensable dans le processus de formation d’une carrière épistémologique et professionnelle. Ils se reconnaissent généralement par une structure architecturale organisée hiérarchiquement et contenant un capital livresque qui est mis à la disposition du grand public des lecteurs-chercheurs. Lorsque nous parlons de cercles scientifiques, il faut également voir un rassemblement d’hommes qui peuvent même provenir d’horizons divers, mais qui militent pour une cause noble qui s’articule autour du sacrifice de l’intérêt personnel à l’autel d’une volonté générale dont l’intérêt final n’est que la promotion de la science. Nous pouvons citer en occurrence dans notre biotope : le Cercle Philo-Psycho-Socio-Anthropologie (CPPSA), le Cercle Histoire-Géographie-Archéologie (CHGA), El Casino dans la filière espagnole, le Centre Culturel Français (CCF), le Centre Catholique Universitaire (CCU), les clubs de physique, de biochimie, de mathématiques, etc.
           En effet, l’utilité des cercles scientifiques en question est variée et peut se lire sur trois plans à savoir : subjectif ou individuel, intersubjectif ou social et historico-scientifique. Dans ce cadre spécifique, si nous prenons l’homme dans son individualité, nous affirmerons que les cercles scientifiques constituent un lieu de formation, d’information, de réformation et de transformation : un véritable terrain de prédilection pour les amoureux de la science. Ils participent par leurs formations à la fois intellectuelle, morale et spirituelle au processus d’humanisation de l’individu de façon générale et intégrale. La lecture qui représente le plus souvent la clé de voûte de ces milieux scientifiques est un module d’informations qui nous permettent de nous actualiser dans le but de pouvoir vibrer sur la même longueur d’ondes que tous les habitants de notre époque. Friedrich Nietzsche nous recommandait d’ailleurs, si nous aspirons à la science et à la vérité, de nous perdre dans la lecture à la manière d’Aristote qui lisait franchement et utilement ; ce qui fait qu’il était même appelé : « le liseur ». L’information nous renseigne sur l’état des lieux de notre contexte spatio-temporel et remplit aussi bien souvent un devoir de mémoire lorsqu’elle nous relate certains évènements du passé. Une telle charge informationnelle finit parfois par réformer notre vision du monde comme pour dire respectivement avec les lois des trois états de l’esprit humain d’Auguste Comte et de Gaston Bachelard qu’elle nous permet de quitter de l’état théologique[2] et concret à l’état métaphysique et concret-abstrait jusqu’à l’état positif dit celui du nouvel esprit scientifique[3]. En fait, elle transforme nos mentalités dogmatiques d’antan au point où notre esprit n’est plus statique, et finalement souffre de ne pas changer parce qu’il sera désormais de sa nature d’être dynamique. En réalité, l’arsenal méthodologique mis en place par une véritable communauté scientifique vise à nous affranchir de l’obscurantisme et l’absolutisme qui caractérisent nos préjugés, nos expériences premières et nos opinions reçues dans le passé et qui légitiment nos peurs, nos soumissions lâches et puériles. Ces obstacles épistémologiques[4] encombrent notre esprit et c’est par une intégration active d’un cercle vraiment scientifique que nous pouvons les soumettre à un doute radical à la manière de René Descartes, à une psychanalyse chez Bachelard, à une critique sans complaisance suivant la méthode de Kant et de Martien Towa pour mieux nous reconstruire l’intellect. Cette attitude consiste en un véritable procès de curetage accompagné d’un assainissement mental qui façonne des personnalités scientifiques de l’heure, caractérisées par l’esprit du dialogue, d’honnêteté, d’ouverture et de créativité, gage du développement social, économique, politique, scientifique et humain.
          Bien plus, les cercles scientifiques dignes de ce nom sont des regroupements qui, malgré le fait qu’ils forment intrinsèquement l’individu, contribuent au progrès de l’activité scientifique en ce qu’ils ont généralement été un réservoir ou mieux un creuset d’hommes de sciences qui ont marqué et marquent encore considérablement l’histoire par leurs pensées, leurs œuvres, leurs découvertes et leurs inventions. L’histoire nous renseigne fort bien sur l’impact de l’Académie de Platon d’où est sorti son disciple Aristote qui a fondé à son tour le Lycée, tel qu’il s’entend aujourd’hui ; les jardins d’Épicure n’ont pas été en reste. À l’époque moderne, il y a eu une flopée d’écoles et de cercles à l’instar de l’école de Francfort, celle de Cambridge ou d’Oxford, le fameux Cercle de Vienne et bien d’autres encore. S’il faut prendre le cas patent de notre CPPSA qui est d’abord responsable de ma[5] réussite dans mes études hic et nunc, nous dirons ensuite qu’il est vieux de 37 ans aujourd’hui. Et, il a déjà un palmarès non négligeable parce qu’ayant déjà contribué aux cursus des docteurs tels que : Mme Minkada, M. Leka Essomba, M. Paul Abouna, M. Njoya Mama, M. Ndzomo Molé, des professeurs et des chefs de départements comme M. Lucien Ayissi, M. Valentin Nga Ndongo, M. Philippe Tsala Tsala ; des écrivains à l’instar de Joseph Ngoué, etc. Ce dernier, en plus, fit hériter le CPPSA de tout son riche patrimoine livresque, d’autres icônes intellectuelles actuelles s’exercent dans cette même optique et beaucoup d’autres enseignants et grandes personnalités scientifiques s’y sont abreuvés et s’y ressourcent même encore. Ces illustrations nous permettent tout simplement de comprendre à ce niveau qu’un cercle dit scientifique et qui joue véritablement son rôle, est très fondamental du fait qu’il participe au façonnement de vrais hommes de science ; ceux qui deviennent utiles à la fois pour leur communauté scientifique et pour la société à laquelle ils appartiennent. Le philosophe français René Descartes nous apprenait dans l’un de ses ouvrages qu’ « une Nation est d’autant plus développée que les hommes y philosophent mieux ». Ainsi, une élite intellectuelle bien formée est appelée à servir efficacement à l’amélioration des conditions de vie de son contexte existentiel parce que la philosophie est, selon la définition, « la saisie de son époque par la pensée…, l’intelligence du présent »[6]. C’est-à-dire que le scientifique doit produire une pensée qui est fille de son temps. Karl Marx abonde dans ce sillage quand il ajoute, en le paraphrasant ici que les scientifiques ne naissent pas de terre comme des champignons mais, ils sont le produit de leur environnement vital et ont pour mission d’aider à la résolution des problèmes et des crises spécifiques qui s’y présentent. Il s’agit de comprendre  dans cette partie que les permanents du CPPSA, du CCF, du CCU ou du CHGA d’aujourd’hui sont les docteurs, les enseignants, les dirigeants et pourquoi pas le président de la république de demain ? Ceci n’est d’ailleurs possible que si et seulement si l’étudiant-chercheur de maintenant s’adonne fermement au travail en évitant les chemins de la félicité illusoire et périlleuse de l’écart pour emprunter les voies de la rigueur austère et prometteuse de la norme au sens d’Hubert Mono Ndzana. Bref, la science est la boussole des temps présents et apparaît, dans cette perspective, comme la lumière qui doit éclairer nos vies et surtout à cette époque où celle-ci tente déjà de se retourner contre nous à cause du mauvais usage, que certains congénères véreux et égoïstes, font de ses prouesses et de ses gadgets.
         Pour finir, nous nous basons sur la devise du CPPSA qui dit que : « servir les autres est une action certaine », comme pour retenir qu’un cercle scientifique se veut le lieu où se cultivent des valeurs humaines et des vertus humanisantes. Ces structures studieuses nous libèrent des pesanteurs internes qui entravent l’épanouissement total d’un sujet épistémique. Elles nous garantissent par la même opportunité, un esprit à la fois scientifique, moral et humaniste imprégné du sens crucial de l’intérêt général. Nous saisissons ce moment pour suggérer par exemple que notre pays le Cameroun gagnerait donc à encourager, à promouvoir et à subventionner de telles initiatives qui seraient la marque d’une prise de conscience profonde de l’urgence de notre émergence globale à l’horizon 2035. Au moment où nous sommes en train de terminer cette réflexion, nous devons succinctement retenir avec le politologue camerounais Alain Fogué que « l’école, c’est le livre ! » et c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons plus que réitérer en conclusion la citation qui sert de devise à l’AEFALSH[7] : « nous ne détruirons que par l’école le mal que les écoles nous ont faits »[8].


OMBOGO MBALA Raphaël, Master 1, Philo., UYI.

       


[1] La Formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. Chicoutimi au Québec. Édition électronique réalisée le 18 sept. 2002 par Jean Marie Tremblay dans la collection Les Classiques des sciences sociales, à partir du livre de Gaston Bachelard (1934), La Formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. Paris : Librairie philosophique J. VRIN, 5e édition, 1967, Collection : Bibliothèque des textes philosophiques, 257 pages. Page 17.
[2] A. Comte, Cours de philosophie positive, in Œuvres choisies, Ed. Aubier, Page 59.
[3] G. Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. Éd. électronique, Chicoutimi au Québec, 18 sept. 2002, Page 9.
[4] Ibid., Page 16.
[5] Il s’agit de l’auteur de ce texte qui doit la majeure partie de son background estudiantin au CPPSA.
[6] J. D’Hondt, Hegel. Philosophie de l’histoire, textes choisis, Paris, PUF, 1975, Page 10.
[7] Le sigle AEFALSH signifie l’Association des Étudiants de la Faculté Arts, Lettres et Sciences Humaines.
[8] L. Camara, L’Afrique est bien partie